Fanny Ardant sublime amoureuse à Hiroshima
© Carole Bellaiche
La comédienne revient pour 15 représentations avec Hiroshima mon amour de Marguerite Duras, adapté du scénario du premier film d’Alain Resnais en 1959. Dans la peau d’une Française tondue pour avoir aimé un soldat allemand, qui débarque à Hiroshima après le bombardement, elle est prodigieuse d’humanité et de présence immédiate face à Gérard Depardieu, magistral, dont on entend la voix.
Une présence magnétique
Fanny Ardant reprend un spectacle adapté et mis en scène par Bertrand Marcos pour quelques représentations et elle y est formidable. Il s’agit d’un scénario de Marguerite Duras, que Fanny Ardant aime particulièrement, une suite d’échanges entre une jeune Française débarquée à Hiroshima dans les années 1950, après les bombardements, et qui tombe amoureuse d’un Japonais à qui elle raconte une autre histoire d’amour, durant la guerre, avec un soldat allemand. La langue est crue, directe, explosive, évacuant les bons sentiments et la morale bourgeoise : l’héroïne est une bannie, elle a déshonoré l’honneur de la France, et elle décrit l’horreur des bombardements américains en proclamant son amour pour un architecte japonais.
Alliance des contraires
Ce texte bouleversant, puzzle incantatoire qui zigzague avec les tabous et les contraires, surfe avec la mort, l’amour et la vie, est aussi le concentré passionnel d’un amour qui aura duré deux jours, arrachant aux deux protagonistes un intense souffle de vie et de désir. Fanny Ardant se saisit des phrases hachées de Marguerite Duras en en fait des bombes violentes et tendres, des fusées projetées à la vitesse de l’éclair, gorgées d’émotion et de sincérité. L’audace de l’écrivain, ce courage qu’elle avait d’évoquer cette histoire d’amour clandestine, interdite, entre cette jeune femme qui voit son amoureux allemand fusillé, et qui restera cachée avec lui dans une cave jusqu’à la Libération, la comédienne la fait sienne, encore plus ardemment, avec un souffle et une vérité très personnels.
Dialogue avec Depardieu
L’adaptation de Bertrand Marcos est judicieuse car elle tire du scénario le coeur de l’histoire tout en conservant la saveur et l’âpreté des dialogues. Comment oublier ces milliers de morts à Hiroshima ? Comment oublier un amour dans cette tragédie ? Duras évoque avec ses mots la force du désir et l’intensité du lien, par delà les frontières, la morale, l’histoire. L’histoire d’Hiroshima, celle de Nevers, ville de l’héroïne, sont constitutifs des deux personnages et Gérard Depardieu est cet absent qui parle de manière bouleversante. Les deux acteurs étaient déjà réunis par Truffaut dans La femme d’à côté. Silhouette longiligne, moulée dans une longue robe noire, la comédienne est plus belle, plus libre, plus engagée que jamais. Il faut aller l’admirer.
Hélène Kuttner
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